Couleurs locales, les nouvelles ambiguïtés

Ce qui nous déplaît franchement est souvent plus aisé à comprendre que ce qui nous attire. Comme si le charme des objets qui nous sourient les revêtait d’une naturalité ou d’une évidence qui les rendaient finalement plus opaques à l’analyse. C’est à cet exercice pourtant qu’ont travaillé Caroline Châtelet et Élise Garraud, respectivement critique dramatique et administratrice-costumière, à l’égard de ce lieu commun dont nous sommes tous, à l’intérieur ou pas, les usagers réguliers : un café. (C’est un café parisien, comme nombre d’autres espaces que traverse la revue. Où Paris n’apparaîtra pas comme un centre ou comme une évidence qui s’impose, mais comme l’endroit où l’on vit et d’où l’on parle.)

 

 

COULEURS LOCALES, LES NOUVELLES AMBIGUÏTES

 

À vouloir introduire un article sur le Comptoir Général, on se retrouve en prise avec l’origine même dudit article : la difficulté initiale à saisir ce lieu. Car quoique connu et cité comme un bar parisien, essentiellement fréquenté pour cette activité, le Comptoir Général ne cesse de vouloir excéder cette seule dénomination. Symptomatique d’un air du temps pas si neuf contaminant les lieux culturels subventionnés, il maquille un projet libéral et commercial avec des idées d’intérêt général, de soutien à l’art et de non-lucrativité. Pour quoi faire ? Comment ? Pour qui ? Le temps d’une visite, intéressons-nous à ses aspirations avouées, ses logiques inavouables et aux récits qu’il produit.

un désir de discrétion

Évoquer un café revient souvent, outre à citer son nom, à décrire sa devanture, ce qu’il expose à l’espace public. Pour le Comptoir Général, rien hormis une plaque – plus proche d’une plaque de dentiste que de bar – ne le rend visible depuis la rue. À tel point qu’un passant remontant en journée le canal Saint-Martin n’a guère de chances de soupçonner son existence au 80 quai de Jemmapes. Le soir, en revanche, il pourra être intrigué par la file d’attente et par la présence (dissuasive) d’un vigile. Cette discrétion pour la signalétique renseigne sur le rapport instauré au public : contrairement à nombre de bars, le consommateur n’est pas mis en scène via une vitrine ou une terrasse. Surtout, l’exclusion d’une fréquentation fortuite le positionne symboliquement comme un espace marginal. Un lieu à part, clos, à la temporalité propre et destiné à quelques happy fews. « Ici comme ailleurs c’est la clôture qui permet le système, c’est-à-dire l’imagination. » 1

Cette absence s’explique aussi, et en partie, par l’histoire récente du lieu : d’abord, la société et les murs du Comptoir Général préexistent au bar. Le bâtiment, propriété de Commerce et Développement depuis 2005, accueille de façon permanente diverses structures à vocation entrepreneuriale (ruche d’entrepreneurs) et ponctuellement des associations ou des entreprises – la location étant dans ce cas indexée sur les revenus de la structure. Lorsque le bar naît fin février 2011 à l’initiative d’Aurélien Laffon et d’Étienne Tron de Bouchony, l’ouverture se fait un peu « à l’arrache » : pas de communication, un seul employé, sécurité aléatoire, ouverture les fins de semaine seulement. C’est au fil des mois et des semaines que le projet va se structurer, des salariés être embauchés, la décoration s’étoffer.

Aujourd’hui, le Comptoir Général est une réussite commerciale : jonglant entre la privatisation de ses espaces et l’ouverture au public sept jours sur sept, il emploie une trentaine de personnes. Mais il a, surtout, amorcé un nouveau tournant dans son image : présenté jusqu’à récemment dans la presse comme un bar-resto à la décoration atypique, il semble ne plus se satisfaire de cette étiquette. Les termes « shop » et « bar » ont ainsi cédé la place à ceux de « musée », « galerie d’art », « centre culturel » 2, etc. Raison de ce virage : après avoir été en partie gérés par Commerce et Développement, par Secousse 3, ainsi que par Sinny & Ooko, le bar et les autres activités du Comptoir Général dépendent désormais d’un fonds de dotation éponyme. Les fonds de dotation utilisant leurs revenus « en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général » 4 ou « pour assister une personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses œuvres et de ses missions d’intérêt général » 5, on saisit mieux la mutation du discours entourant le lieu. Dissimuler le bar derrière d’autres activités plus vertueuses vise, aussi, à l’harmonisation avec les nouvelles obligations statutaires.

le triomphe de la nature

Une fois entré dans le lieu, on est saisi par sa capacité à travailler divers imaginaires en déplaçant le visiteur. Nous ne sommes plus à Paris, ville où chaque mètre carré compte. Les espaces, soumis à un agencement entre gaspillage et confusion savamment orchestrés, sont exotiques par leur seule démesure. Exemple de ce pittoresque, la place dévolue aux végétaux. Outre une courette avec jardinet, ceux-ci sont présents à l’intérieur, dans des pots ou à même la terre – des dalles et des lattes de parquet ayant été retirées pour permettre leur prolifération. Réalisé par Sylvie Da Costa, l’ensemble constitue « La Petite Boutique des Horreurs », l’une des dix-neuf « attractions » proposées. La plasticienne paysagiste y vend une fois par semaine des spécimens, graines, tisanes et autres décoctions. Pour autant, les plantes excèdent l’attraction puisqu’elles contaminent plusieurs salles, grimpant, s’enchevêtrant ou épousant les contours de la charpente. Leur présence offre une vision utopique d’une nature intimement liée à l’espace urbain. « Dans les expositions universelles, le jardin d’hiver qui présentait des plantes, même s’il avait une identité propre, était apparenté au passage commercial et au Palais de verre. Tous les deux étaient des répliques d’un monde dans un monde. Le jardin d’hiver a subsisté après la fermeture des expositions. Il s’est développé comme un lieu de répit naturel et un refuge temporaire hors de la vie quotidienne. Il apparaissait ainsi comme une critique de la société existante et de la corruption du monde actuel. Dans le jardin d’hiver, le jardin privé et méditatif du passé est remplacé par la présentation d’un musée botanique, comme un lieu éducatif et divertissant pour la masse. » 6 Au Comptoir Général, l’aspect divertissant et éducatif des plantes perdure, mais il est dénué de toute velléité critique. Au contraire même, puisqu’en s’infiltrant partout, la végétation conforte l’idée d’un pittoresque intégral et naturalise les échanges marchands dont elle est le décor.

de l’hybridation à l’esthétisme

Après avoir fait le tour des cinq salles (« La Salle de Bal », « La Salle de Classe », « Le Jardin Endémique », « Le Hall Abandonné », « La Mezzanine »), on note des récurrences : fondée sur l’hybridation, l’accumulation, la récup’, l’esthétique mixe les origines et les époques, les références savantes et la culture populaire, les renvois à des temps révolus (belles heures de la colonisation, école élémentaire) et le goût pour l’exotisme (produits alimentaires africains, plantes envahissantes). Une reconstitution fictive et extrêmement maîtrisée d’un « ailleurs », le bâtiment lui-même ayant été décati artificiellement via le décapage des poutres à l’acide, la casse et l’amochage volontaire des dalles et des murs. Face à tout ce capharnaüm, le visiteur balance entre reconnaissance et perte de repères, adhésion et fascination. Mais au fil des espaces, l’attraction se double d’une réserve, voire d’une répulsion. Une sensation difficile à saisir, qui n’est pas étrangère à un sentiment de facticité générale et au recours perpétuel au passé. Car ce passé reconstitué convoque des éléments en dehors de toutes données historiques, politiques ou sociales. La promotion d’un artiste côtoie l’ambition muséale et l’un et l’autre s’exposent avec le même soin. Les références sont du même coup neutralisées et deviennent de purs bibelots thématiques, destinés à faciliter l’imbrication des différents espaces, apportant ici une touche d’authenticité, là un soupçon de marginalité.

Cet usage nostalgique qui sentimentalise des références dé-contextualisées se retrouve dans de nombreux bars : « Les cafés ont un certain nombre de points communs : un air désuet, des devantures en bois. Leur nom renvoie plus au passé industrieux de la rue qu’à sa fonction commerciale : Café Charbon, Mécano Bar, La Forge, La Mercerie, Les Machines à coudre. Les cafés ont tous un nom qui leur est propre, une enseigne unique, dans sa typographie et dans ses couleurs. De même pour les décors, à l’intérieur : un vieux café-concert, avec un haut plafond, des fresques rappelant la Belle Époque, un atelier de mécanique, une ancienne forge, un magasin de machines à coudre, etc. (…) Le mélange des genres domine. » 7 Entre passéisme et contre-culture, tous ces commerces « servent de têtes de pont à la transformation d’un quartier » 8, se faisant les marqueurs autant que les acteurs d’un processus de gentrification, « forme particulière d’embourgeoisement qui concerne les quartiers populaires et passe par la transformation de l’habitat, voire de l’espace public et des commerces » 9. « Si la gentrification a à voir avec les effets de mode, la transformation des commerces et en particulier des cafés en est l’idéal-type (…), [ils] contribuent à faire connaître un quartier en le rendant ‹ branché › et attirent une population plus large que les habitants du quartier. » 10

Mais le « mélange des genres » et la diversité ne sont jamais si aimables que lorsqu’ils sont maîtrisés par le gentrifieur. Ainsi, les partenariats avec des associations à vocations sociale et solidaire initiés par le Comptoir Général – tels les biffins (chiffonniers) qui y disposent d’un espace – sont on ne peut plus louables. Sauf que revendiquée comme une preuve de la mixité, cette présence achoppe sur l’épineuse question des tarifs. Quel rsaste ou biffin pourra se payer un cocktail à 7 € ou un café à 2 € ? Quel parent smicard pourra offrir à ses enfants une après-midi d’activités à 15 ou 20 € ? On en revient à la critique adressée à la gentrification d’être un agent majeur de l’éviction des classes populaires des centres-villes et à sa limite : la différence est là pour le plaisir de la distraction et du dépaysement, mais la place qui lui est allouée est précisément circonscrite par le dominant.

du métissage à la discrimination positive

Vous avez des questions sur le lieu ? Aucun problème, au Comptoir Général, les salariés sont formés pour vous répondre. Ils sont d’ailleurs nombreux à évoluer dans les salles, tous affublés d’un vêtement ou d’un accessoire, de la chemise à galons au manteau élimé en passant par la veste militaire sans âge 11. Ah, non, pas tous. En réalité, on découvre que ces attributs second hand ne concernent que les salariés masculins noirs de l’équipe. Occupant les fonctions de « guide », « garde », « major d’homme », « ambassadeur », « guide touristique » ou « maître des lieux » 12, ces derniers deviennent par l’entremise de leurs costumes les figurants d’un décor qu’ils viendraient compléter, confortant au passage l’exotisme du lieu. On songe au « temps béni des colonies » 13, ou, plus contemporaine et très vivace, à la figure de « l’indigène ». Évoquant cette figure au sujet de visites touristiques de quartiers en voie de gentrification, l’ethnologue Sophie Corbillé souligne son importance « dans le processus d’émerveillement. L’indigène, cet être réduit à une culture et assigné à une identité, est ce qui reste après soustraction des rapports sociohistoriques dans lesquels l’individu est inséré. Allégé des pesanteurs historiques et sociales, il se donne alors à voir comme un être sublime, idéel et évanescent puisqu’il suffit de réintroduire un peu d’histoire ou de social pour qu’il disparaisse. L’indigène possède un rendement symbolique élevé dans la production d’un rapport enchanté aux différences et l’on comprend qu’il constitue un élément clé du dispositif touristique. » 14 Si le cadre d’analyse de Sophie Corbillé est extrêmement spécifique, les mécanismes d’émerveillement sont bien similaires. Et « l’affirmative action » (discrimination positive) revendiquée par Étienne Tron de Bouchony se donne pour ce qu’elle est : un instrument au service de la ré-actualisation d’anciens rapports de domination.

du vocable au jargon

Dans chaque salle on croise des affiches, des cartels, des tracts détaillant le lieu et ses projets. Placardée, affichée sur le site internet, relayée oralement par les salariés, cette communication devient presque suspecte par sa profusion. S’agit-il seulement d’éviter incompréhension et ambiguïté ? À se pencher sur certains des choix lexicaux, on saisit que cette armada de termes façonne l’image du lieu, épaississant son contenu et amplifiant la réception que le visiteur en a. Revue de détails aux allures de matriochkas – le tout étant dans la partie et inversement, dans un processus de re-génération permanent – de quelques termes employés :

« Comptoir général ». En ancrant la structure dans l’histoire d’un quartier populaire et commerçant – au 78 quai de Jemmapes se trouvait un Comptoir général des fontes de bâtiment et de fumisterie, et au 80 divers artisans (imprimeur, mécanicien, fabricant de cuir, menuisier) 15 –, ce nom correspond à la pluralité d’activités menées aujourd’hui. Mais qui dit « comptoir » dit aussi : 1) zinc où l’on boit un verre ; 2) comptoir colonial. Non contente d’assumer la référence, l’équipe dirigeante (qui n’a vraiment peur de rien) file doucement la métaphore coloniale au gré des espaces. La boutique d’import de fripes africaines se nomme le « Marché Noir », le coiffeur « Ici Bon Coiffeur » (les amateurs de petit-nègre apprécieront) et dans le « Hall Abandonné » se trouve le « Petit Musée de la Françafrique ». En fait de musée, le visiteur découvre pêle-mêle des portraits d’anciens présidents africains, des T-shirts à leurs effigies, une fresque chronologique retraçant les grandes étapes de la Françafrique, des extraits de presse, quelques reliques : montres, médailles, lettres, billets de banque. Pour qui trouverait cela un peu aride muséologiquement parlant, un site internet dédié à l’« attraction » rassure : cette exposition n’est pas seulement un musée. Elle est « un mausolée, un lieu de pèlerinage, un temple de la mémoire » destiné à « enterrer une bonne fois pour toutes l’image miséreuse de l’Afrique et le passé politique nauséabond l’unissant à la France » 16. Où l’on est heureux d’apprendre que le mausolée vaut le lieu de pèlerinage, qui vaut lui-même le temple de la mémoire, ces trois-là valant un musée. L’ensemble étant spirituellement placé sous le « haut patronage » du musicien Papa Kourand et physiquement installé dans un hall d’entrée desservant les toilettes, la cuisine et deux salles du lieu, difficile de ne pas avoir le vertige devant une telle polysémie.

« Charte & valeurs ». Définissant les principes fondamentaux du lieu, la charte du Comptoir Général se découpe en quatre points – « nos valeurs, notre mission, notre action, notre mode de fonctionnement » – dont la lecture, à défaut d’éclairer le visiteur, comporte quelques pépites édifiantes. Ainsi, les « valeurs » – « l’exotisme, la foi, l’héritage, le peu » – encouragent notamment « la curiosité de l’autre et de l’autrement, sa part fantasque, inventive, à transmettre et à partager », soulignent « l’importance de chérir l’héritage de nos ancêtres, le savoir de nos aînés », exaltent « l’esprit vertueux du dénuement, source de liberté, de bonheur » (entre autres), et appellent à la foi qui « permet de voir l’invisible, de retrouver le perdu ». Il y aurait là une manière d’importer (comptoir oblige) un ensemble plus ou moins raccord de clichés liés à l’Afrique et d’en adopter les valeurs, à la manière dont l’époque pense la croyance : de la même façon qu’on ne croit pas au père Noël mais qu’on fait comme si pour les enfants, on n’accorde que peu de foi à ces formules mi-marabout mi-bout-de-ficelle. Mais leur position même de savoir traditionnel minoré par le regard colonialiste les crédite de quelque « foi ». On y croit sans y croire et on prend du plaisir à s’y abandonner. Affleure aussi dans ces discours une apologie du dénuement et de la débrouille : « Toutes les difficultés disparaissent quand on comprend la joie et la liberté qui viennent de la pauvreté », scande une citation de Mère Teresa sur le site internet. Au-delà de l’essentia-lisation en mode fatalisme de la pauvreté, la référence à Mère Teresa fait toujours son petit effet mise en regard des prix pratiqués.

Du « ghetto-shop » au « ghetto-museum » (avec un détour par le « concept store » 17). Désignant par extension un « milieu ou groupe (social, politique, intellectuel, etc.) qui se trouve dans un état d’isolement volontaire ou imposé par rapport à l’ensemble » 18, le ghetto sort de son ornière. Mais en ambitionnant de « mettre en valeur les phénomènes culturels dits ‹ pauvres ›, ‹ ghetto ›, ‹ locaux ›, les causes perdues qui naissent dans la marginalité et la misère matérielle », le Comptoir Général déploie toute une rhétorique… vouée à sa propre promotion. Car en désignant elle-même ce qui relève ou non du ghetto, la structure construit la stratégie de conservation et de valorisation d’une culture qu’elle crée (et manage) de toutes pièces. « Ghetto » s’acoquine avec « shop », « museum » et depuis peu « style », reliant par cette alternance commerce, art et tendances. En cela le lieu s’inscrit dans un mouvement plus vaste où la culture se mâtine de loisirs, et inversement : « Les principales institutions muséales ont entamé une dérive commerciale qui transforme le musée en un lieu de consommation comme un autre, à ceci près qu’il greffe des pratiques marchandes sur la contemplation d’œuvres d’art. On peut s’offrir, par exemple, un déjeuner d’affaires sur le toit du Centre Pompidou, (…) une retouche de maquillage dans les toilettes d’accès public du Guggenheim, (…) voire une nuit en amoureux dans l’unique chambre de l’hôtel Everland sur le toit du Palais de Tokyo à Paris… » 19 La convocation du musée vaut comme valeur ajoutée, créant un rapport subversif et contestataire à la consommation. Sauf que le Comptoir Général aurait plus à voir avec les boutiques désormais accolées à ces institutions, où le visiteur acquiert des objets dérivés, témoignages de la dé-territorialisation autant que de la digestion revendiquées d’œuvres, de courants et de cultures.

« Attractions ». Utilisé pour désigner les activités proposées au sein du lieu, ce choix d’intitulé très « parc à thèmes » ne laisse rien au hasard, le cofondateur Étienne Tron de Bouchony évoquant volontiers Walt Disney en référence. Ce que produit le terme, outre une entreprise de nivellement qui met sur le même plan l’achat d’un livre, les activités destinées aux enfants ou la consommation d’une boisson, c’est le rappel de leur objectif : le but de cet environnement à usages multiples est bien le divertissement. Enfin, pas seulement. Car si oui, les attractions doivent séduire le visiteur, le dépayser, le déplacer, elles sont également conçues comme des ambassadeurs des projets développés par le lieu. N’en déplaise à la communication déployée, au Comptoir Général (comme chez Disney) c’est le shop, la vente qui dominent. Sans que cela ne soit clairement énoncé et tandis que le visiteur troquera à son entrée à Disneyland son argent contre une monnaie spécifique, au Comptoir Général, « argent » est un mot rarement employé. La librairie s’intitule « La Bibliothèque Municipale », le paiement d’un droit d’entrée devient une « entrée libre sur donation ». Ces jeux d’équivalence créent une « opération de substitution des signes monétaires » 20 et de ce qu’ils représentent. Engageant le visiteur, ils se donnent comme la promesse d’une expérience particulière. Un autre discours apparaît où ce n’est plus, « au moins en apparence, l’échange monétaire » 21 qui domine, mais le don, la participation. En apparence, seulement, car la donation à prix libre sollicitée dès l’entrée est définitivement ambiguë puisqu’elle équivaut à une injonction à la générosité.

Au final l’essentiel de ce jargon participe de l’idéalisation de la valeur d’échange des marchandises 22, concourant à faire de l’achat une expérience. Dernier discours en date, celui entourant « Le Centre des Objets Perdus » qui nous vend sous le mode de l’enquête captivante le travail de récupération et de glanage des biffins : « Dans nos poubelles, dans nos rues se cachent de véritables trésors. Certains les débusquent et les revendent : les biffins. »

un peu plus ou un peu moins qu’un café

Après avoir encore parcouru « L’École Buissonnière », « La Pièce Rapportée », « Le Studio Photo », « Le Rade », « Le Snack Local » et « La Ferme », un désir d’éclaircissement, passant par la confrontation à des modèles de lieux identifiés, gagne le visiteur.

Espace singulier de statut privé à usage public, un bar ou un café est un lieu aux usages codifiés et en même temps un lieu assez peu déterminé. Lieu où trouver ce qu’on cherche parfois intuitivement, sans bien savoir quoi (la rencontre, la solitude ou le passage du temps), qui laisse la place à l’imprévu. On s’en fait facilement une idée utopique, mais cette représentation a tendance à masquer la réalité de certains endroits, résultat d’un marketing hyper-sophistiqué se redéfinissant sans cesse. On y ressent alors une gestion des publics au détriment de la recherche d’une certaine qualité de service, la pratique la plus répandue étant la sectorisation des consommations dans des plages horaires empêchant de boire un simple café à l’heure du déjeuner ou après dix-huit heures.

Au Comptoir Général, on pourrait croire un instant que, comme dans le meilleur des cafés, on peut faire ce que l’on veut. Les attractions (« La Cour des Miracles », « La Bonne Nouvelle », pour citer encore quelques exemples) apparaissent comme autant d’idées que nous n’aurions pas eues tout seul, elles dépassent par leur force d’évocation imaginaire l’idée que nous nous ferions de ce qui est possible ou autorisé. Ce faisant, elles remplissent un vide, devancent un écart qui devrait rester intact pour que s’éprouve un sentiment de liberté. Et en fait, on reste un peu en suspens, dérouté, on circule plutôt qu’on ne s’arrête. Car faire ce que l’on veut n’est pas se prêter à des animations, et cette offre prolifique, qui cherche à donner à l’espace un contenu, induit un faux sentiment de disponibilité. Une telle fonctionnalisation de l’espace façonne les pratiques avec une certaine contradiction : voilà finalement un espace qui nous dit quoi faire.

Dans le spectacle Swamp Club, le Vivarium Studio et Philippe Quesne (Théâtre de Gennevilliers, novembre 2013) décrivent avec dérision un lieu de résidences d’artistes. Un comité d’accueil montre à ces derniers ce qu’il y a à faire sur place : la grotte à visiter, le sauna où se relaxer… Aussitôt l’espace semble se resserrer et se figer, les murs se chargent d’un poids, la vacance recherchée est compromise, la marge remplacée par de l’occupation, voire par une certaine injonction ou obligation. Dans cet accueil, à la fois volontaire et bienveillant, se révèle aussi la difficulté à accueillir l’autre, simplement, sans prédétermination. La peur du vide, tangible et concret, est un piège.

Remplir l’espace est aussi le moyen de lui donner images et reflets. Le Comptoir Général en déclinant ses différentes attractions se sur-identifie auprès d’autant de publics et de parts de marchés ciblés. De la même manière, la Gaîté lyrique, espace culturel de la mairie de Paris, se présente par la question « Que faire à la Gaîté lyrique ? » et liste « visiter une exposition », « trouver des idées cadeaux », « assister à un concert », « participer à un atelier », « faire votre marché », « boire un verre », etc., où se confondent pratiques culturelles et de consommation sans intention de distinction. Je peux faire plein de choses, donc je peux tout faire. La sur-occupation vient relayer l’idée d’une vitalité créative et artistique dont le lieu deviendrait par glissement le représentant évident, en même temps qu’il promet satisfaction par une offre hétéroclite. Dans un autre établissement de la mairie de Paris, le Centquatre, l’animation de l’espace a même suffi à transformer l’image du lieu, qui de vide et froide où « il ne se passe rien » est devenue super-vivante grâce à la présence, très exposée et à frais zéro, de danseurs, comédiens, acrobates amateurs dans le grand hall central du bâtiment. Un faux reflet d’espace public est contrôlé par des équipes de sécurité, tandis que dans les étages, en permanence, des artistes travaillent aujourd’hui comme hier.

C’est en effet par l’angle du lieu culturel que l’on a tendance à regarder le Comptoir Général : il se dit en être un, il nous y fait penser et le potentiel des 650 m2 enthousiasme. Voici donc la question : que se passe-t-il ici ? Il est difficile de déchiffrer dans la communication l’annonce d’une exposition, d’un concert ou d’un spectacle… On peut supposer dans un premier temps que l’espace doit d’abord exister, se structurer pour accueillir, que les projets viendront progressivement… Ce qui demande un certain temps pour être saisi, c’est que les projets du lieu sont précisément les attractions. En s’offrant toutes comme des produits à consommer (au sens pécuniaire ou non), elles s’opposent déjà à la réception d’éventuels contenus artistiques, et d’ailleurs, rares sont celles qui s’y consacrent. Difficile, en effet, de considérer comme des œuvres l’habillage sonore « Secousse/ghetto music », la diffusion d’images s’étalant le dimanche de l’apéro à la fermeture « Cinébrousse, (l’histoire de la culture ghetto à travers l’art, l’exploration de la nature et le militantisme (…) silence non exigé et goûter permis… la Françafrique, le Booty Shake [danse de dos où il s’agit de remuer les fesses sur un rythme rapide], la forêt amazonienne, les ghettos angolais, la culture sound system… Les Aventuriers de l’Art Perdu au grand complet, sur un bout de toile blanche) ». Un peu perdu dans l’abondance, on peut relever l’attraction « Papa Kourand » du nom de l’artiste, qui consiste en sa promotion via la mise en vente d’un disque et d’un « T-shirt style dictateur » à son effigie. La seule véritable installation plastique de l’ensemble, le « Cabinet de Sorcellerie » de Maïssa Toulet, a été démembrée en février dernier, estimée en décalage avec l’esthétique générale. Sans doute parce qu’elle n’était pas immédiatement lisible, compréhensible, ni assimilable à l’ailleurs du Comptoir Général. Tout ceci témoigne d’une opposition à ce qui relève de l’art, et son absorption dans le discours et dans l’esthétisation du lieu ne doit pas tromper.

trust

C’est peut-être par son économie que le lieu se définit finalement avec le plus de cohérence, jouant des dimensions « sociale » et « solidaire » et de son nouveau statut juridique. « Le Comptoir Général est une fondation : il est, de ce fait, à but non lucratif, et vise à accomplir une œuvre d’intérêt général, hors de tout principe d’enrichissement personnel. » lit-on sur le site internet. Précisément, le Comptoir Général n’est pas une fondation mais un fonds de dotation 23 qui regroupe lui-même des entreprises au sens classique et un fonds d’investissement. Cette forme juridique inventée en 2008 a pour vocation de marier associations et fondations. Elle jouit de la simplicité administrative des premières, débarrassée du contrôle de l’État concernant la notion d’utilité publique et l’adéquation entre dons reçus et objectif visé qui sont les caractéristiques d’une fondation. Elle a, par ailleurs, la capacité juridique et financière des secondes, peut détenir, gérer et faire fructifier tous types de biens, et à la différence de la fondation, n’utilise pas son patrimoine pour mener à bien son action, mais seuls les revenus de son patrimoine. Ceci en fait potentiellement une entreprise d’exploitation et de capitalisation. Ici, le terme « non lucratif » ne se justifie que partiellement, dans la seule mesure où les actionnaires ne reçoivent pas de bénéfices. Ce modèle de désintéressement des dirigeants est vendu comme un engagement et rejoint l’idée de « peu ».

Mais l’activité du Comptoir Général est absolument lucrative et commerciale, raisonne exclusivement par la recherche de profit et s’oppose, statutairement comme idéologiquement, aux secteurs public et non lucratif. Il ne s’agit jamais seulement de soutenir une action financièrement, mais de faire de cette action un projet de développement générant lui-même des revenus. Ainsi, tout projet ne parvenant pas à être rentable sera délaissé. Les dépenses étant toujours des investissements, le fonds de dotation s’engage dans une croissance exponentielle n’étant pas sans évoquer, comme le souffle la mise en scène du lieu, une certaine logique d’expansion coloniale.

Ambition dans l’ambition, le bâtiment du Comptoir Général appartient au père de l’un des deux cofondateurs, Aurélien Laffon. Olivier Laffon dirige Commerce et Développement, il s’est copieusement enrichi comme promoteur de centres commerciaux et investit aujourd’hui dans le secteur social. Il possède une dizaine de lieux à visée culturelle et sociale à Paris, dont Le Divan du Monde, La Ruche, la Maison des associations de solidarité, L’Âge d’or, La REcyclerie, ainsi que Commune Image à Saint-Ouen et l’Ancien Carmel de Condom dans le Gers. Tous ces espaces (au bas mot 4 500 m2 cumulés à Paris intra muros) sont eux-mêmes des projets immobiliers fondés sur l’exploitation locative, et l’on retrouve à cette échelle le modèle de développement du Comptoir Général. On pourrait se dire que cette situation relève du secteur privé, qu’il s’agit d’une opération commerciale comme une autre si le magot n’était pas mis sur les domaines de la culture et de ce qu’on regroupe sous le terme d’« économie sociale et solidaire ». Ceci participe au mouvement global entremêlant le public au privé où « il s’agit de favoriser la conquête, par les détenteurs de capitaux, des nouveaux gisements de profits que constituent les services publics » 24. D’ailleurs, la mairie de Paris a favorisé l’acquisition par Commerce et Développement de l’ancienne gare Ornano située sur la petite ceinture au nord de la ville, qui est devenue La REcyclerie. Se crée ainsi une homogénéisation des propositions, tous les lieux étant pensés selon la répétition d’un modèle dont seule change la décoration intérieure.

Ici permis par le capital, ce phénomène de trust se développe dans le secteur public par des actes de multi-nomination de la part des collectivités, qui favorisent l’application d’une recette qui a fait ses preuves (de bonne gestion, principalement) au détriment d’une diversification des équipes et des manières de répondre à la question « qu’est-ce qu’un lieu ? » C’est ainsi que le producteur de musique Olivier Poubelle cumule à Paris les postes de direction des salles de spectacles Le Bataclan, La Flèche d’Or, La Maroquinerie et Les Trois Baudets – qu’il codirige avec Alice Vivier, elle-même directrice de La Loge – et du Théâtre des Bouffes du Nord – avec Olivier Mantei, directeur du Théâtre national de l’Opéra-Comique. Et ainsi de suite, un super-organigramme se tisse par dominos à l’échelle de la ville.

détournements

À l’opposé d’une quelconque velléité d’alternative au capitalisme, le Comptoir Général en usurpe cependant les énoncés, refusant par exemple démonstrativement de vendre du Coca-Cola, ou usant du concept de développement durable qui permet d’associer la conscience écologique – et par là même, la conscience pour l’autre – à la vague idée d’un positionnement un peu à l’écart du libéralisme.

Aux toilettes. Ainsi, dans les lavabos des toilettes, une affichette (ou plutôt un cartel, la muséification est parfaite) indique que l’eau est de pluie, par conséquent non potable. L’étiquette « développement durable » vient en tête, l’opération de marketing est réussie (peut-être a-t-elle été facilitée par l’évocation de l’Afrique et par analogie de la question de l’eau dans le « Petit Musée de la Françafrique » situé dans le couloir menant aux toilettes). Le cartel dit : « Eau de pluie récupérée – non potable », et l’on se demande si le plus important est de valoriser un concept ou de renseigner sur une question d’hygiène. Un autre concept s’associe à la situation, celui mélangé et moral de « consommation responsable » : de l’idée d’économiser les ressources naturelles, on replonge dans le parc d’attractions, où l’on se déchargera avec quelques euros d’une culpabilité que le voyage aux toilettes aura pointée.

À la Recherche du Mokélé-Mbembé avec Kisskiss-bankbank. L’attraction « À la Recherche du Mokélé-Mbembé » est la vitrine d’un projet de recherche amateur d’un animal mythologique du bassin du Congo, lui-même produit d’appel d’un projet de développement touristique. « Cela fait plus d’un siècle que les Pygmées témoignent de la présence d’un animal mystérieux fréquentant les fleuves et marécages de cette région. Son apparence serait celle d’un diplodocus de petite taille. D’autres indices troublants récemment découverts laissent à penser que cet animal ne serait pas qu’une légende. De nombreuses expéditions scientifiques ont été réalisées au cours du XXe siècle sans succès… jusqu’à maintenant. »

Investissement financier appliqué au niveau individuel, le crowdfunding (« financement par la foule ») séduit tous types de projets, les initiatives alternatives autant que libérales. Le Medef y voit un augmentateur des réseaux de collecte des capitaux : « Nous voulons que tout entrepreneur puisse via internet s’adresser à des quantités d’investisseurs même modestes qui pourraient online mettre quelques milliers d’euros dans l’entreprise. » 25 Outils de communication à part entière, les sites internet de crowdfunding établissent un lien direct entre la publicité et la consommation d’un produit – ou plus précisément la consommation de son idée, dans la mesure où le contributeur dépense pour quelque chose qui n’existe pas. Il est ahurissant, dans ce cas précis, de voir une structure dégageant des bénéfices faire financer son propre projet par l’appel à la générosité et l’argument de la solidarité – projet lucratif dont il sera in fine le bénéficiaire.

Plus largement, le crowdfunding participe d’un mouvement de recyclage d’idées – le collectif, la solidarité, la défense d’initiatives – au profit d’un projet capitaliste, à l’instar « d’un phénomène comme le covoiturage, qui s’auto-institue et qui fabrique de nouveaux rapports avec les autres, les autres comme moyen et non pas comme obstacle. (…) Ce qui est inquiétant est que ces choses peuvent être extrêmement rapidement récupérées par les compétences du capitalisme, et aujourd’hui ce covoiturage est écrasé par une entreprise, BlaBlaCar, où les individus préfèrent, pour des raisons liées à une mentalité sécuritaire, etc., adhérer à un groupement capitaliste, donner des informations privées, payer un abonnement pour fabriquer ce trajet logistique moins cher que le train mais en ayant abandonné l’ambition de s’inventer une autogestion sur ce régime-là. Et du coup en perdant ce qui permettait de refaire civilité en lieu et place de la marginalisation. » 26

Avec le crowdfunding, comme à travers d’autres appels au porte-monnaie du Comptoir Général, le modèle proposé est celui du charity business, où « la charité se vend d’abord elle-même et c’est en cela qu’elle lève un nuage de fumée devant le réel. Cyniquement, à bon compte, elle permet à peu de frais de se grandir aux yeux des autres et à ses propres yeux sans jamais toucher aux causes de sa nécessité. » 27 Entraînée par l’idée que consommer ici c’est consommer mieux, une articulation se crée : je valide, donc je paie, je crédite au sens propre.

croissance des valeurs

Dans Casimir et Caroline, le dramaturge hongrois Ödön von Horváth raconte sur fond de crise sociale la fin de l’histoire d’un couple à la Fête de la bière, à Munich. Ce faisant, la pièce brosse une « peinture au vitriol de la fausse conscience des petits-bourgeois (les vrais monstres plus monstrueux que les phénomènes en raison de leur insoutenable normalité) cherchant à échapper à la crise des années 1930 dans une foire miroir du monde qui, loin d’échapper aux contingences, les accentue et devient emblématique d’une société à la dérive » 28. Le rapport entre ce texte écrit en 1932 et un lieu parisien des années 2010 ? Au final, et quoi qu’il tente de nous faire accroire, le Comptoir Général n’échappe pas aux contingences de sa propre structure. Régi selon une logique lucrative, il en épouse toutes les obligations, et le recours à la fantasmagorie, aux simulacres et autres artifices des parcs d’attractions – et avant eux des expositions universelles – ne parvient pas à masquer les réflexes entrepreneuriaux. Telle une tâche aveugle, le business se révèle être le seul et unique thème de ce parc-là, enjolivé sans être jamais expurgé par les alibis du social et du culturel.

D’ailleurs, si limites il y a, elles ne sont pas tant dans le projet immobilier et entrepreneurial (qui semble plutôt bien parti dans son expansion) que dans le rapport au public. C’est là que tout achoppe et que le Comptoir Général peine non seulement à donner le change, mais à considérer le visiteur comme autre chose qu’un consommateur potentiel. Car le sentiment d’être créatif (ou solidaire, ou faisant œuvre sociale, c’est selon) réside toujours dans le strict apport financier. Ce faisant, le Comptoir Général replace le visiteur au centre d’un espace régi par des échanges marchands. En dépit du discours souhaitant ménager un ailleurs, créer de l’exotisme, du déplacement – et outre le fait que la majorité des éléments décoratifs relèvent d’un conformisme notoire –, ce mouvement annoncé s’avère impossible. Le décor a changé mais les schémas se trouvent renforcés, confortés et si la mécanique tourne aujourd’hui avec le social et le culturel, on a le sentiment qu’elle pourrait recycler d’autres valeurs et usages demain. Réside là peut-être le seul mystère de l’affaire, à savoir quelles seront les prochaines valeurs refuges d’un tel business…

 

Caroline Châtelet et Élise Garraud

 

1. Roland Barthes, « Sade, Fourier, Loyola », in Œuvres complètes, t.III, Seuil, 2002. 

2. Nous choisissons de suivre les choix graphiques du site internet du Comptoir Général : http://www.lecomptoirgeneral.com. [Note de l’éditeur : lorsque le lien internet était toujours fonctionnel à la mise en ligne de l’article, nous avons choisi de l’activer. Pour autant, il est possible que la référence existante à la date de rédaction de l’article ait disparue depuis.] 

3. Société créée en 2010, l’agence Secousse constitue aujourd’hui le volet musical du Comptoir Général. Label et agence artistique, Secousse organise des soirées, produit des artistes et compose la bande-son du lieu. 

4. http://www.centre-francais-fondations.org

5. Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, version consolidée au 13 février 2009, Création des fonds de dotation. Consultable en ligne : http://www.centre-francais-fondations.org

6. Dan Graham, « L’espace public privé : les jardins intérieurs des immeubles commerciaux », in Rock My Religion, Presses du Réel, 1993. 

7. Antoine Fleury, « De la rue-faubourg à la rue ‹ branchée › : Oberkampf ou l’émergence d’une centralité des loisirs à Paris », in L’Espace Géographique, mars 2003. 

8. Anne Clerval, Paris sans le peuple – La gentrification de la capitale, La Découverte, 2013. 

9. « Cette notion s’insère dans le champ de la ségrégation sociale et implique un changement dans la division sociale de l’espace intra-urbain, qui passe aussi par sa transformation physique. » Anne Clerval, http://hypergeo.eu/spip.php?article497

10. Antoine Fleury, ibid. 

11. Attributs de la collection Hiver du Comptoir Général. Pour la collection Été, les tenues sont constituées d’un pantalon en tissu africain – qui renvoie pertinemment à l’ouverture du « Marché Noir » – et d’un T-shirt à l’effigie de Papa Kourand. 

12. http://www.lecomptoirgeneral.com/fr/actors. 

13. Michel Sardou, Le Temps des colonies, in album La Vieille, Tréma, 1976. 

14. Sophie Corbillé, « Tourisme, diversité enchantée et rapports symboliques dans les quartiers gentrifiés du nord-est de Paris », in Genèses 2009/3 – n° 76, Belin, 2009. 

15. Société historique du Xe arrondissement. 

16. http://www.lepetitmuseedelafrancafrique.fr. 

17. Las, au Comptoir Général, les concepts et autres choix communicationnels vont plus vite que nos ombres : le terme de « concept store » auparavant affiché sur le site internet a disparu et celui de « ghetto-shop » tend également à disparaître, remplacé par « ghetto-style », entre autres. 

18. http://www.cnrtl.fr/lexicographie/ghetto

19. Elsa Vivant, Qu’est-ce que la ville créative ?, collection « La ville en débat », PUF, 2009. 

20. Louis Marin, « Dégénérescence utopique : Disneyland », in Utopiques : jeux d’espaces, Éd. de Minuit, 1973. 

21. Ibid. 

22. « Les expositions universelles idéalisent la valeur d’échange des marchandises. Elles créent un cadre où leur valeur d’usage passe au second plan. » Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, Allia, 2003. 

23. Créé en juillet 2013, ce fonds de dotation a pour objet la « gestion, à titre principal, de la collection, la conservation et la présentation à tout public – à l’image d’un musée – d’objets, de produits, d’œuvres d’art et de tous autres éléments révélateurs de patrimoines culturels et artistiques marginaux, notamment qualifiés de culture ghetto ; il vise également à assurer, par tous les moyens la production, la diffusion et une meilleure connaissance de la culture ghetto, ainsi que le soutien aux artistes et aux organismes sans but lucratif, en mettant à leur disposition un lieu de présentation de leurs œuvres et productions Le Comptoir général ; plus généralement, il met en œuvre et soutient toute action d’intérêt général dans les domaines de la culture artistique marginale. » http://www.centre-francais-fondations.org

24. Sabine Rozier, « La Culture à l’encan – Politique culturelle et culture du résultat », in L’État démantelé Enquête sur une révolution silencieuse, sous la direction de Laurent Bonelli et Willy Pelletier, La Découverte, 2010. 

25. Laurence Parisot, Le Journal du Net, 3 mai 2012. Par ailleurs, en 2013, « lors du dernier Salon des entrepreneurs, Fleur Pellerin, [alors] ministre en charge des petites et moyennes entreprises, a déclaré vouloir développer le crowdfunding et a même assuré que le gouvernement comptait regarder ‹ quels pourraient être les verrous réglementaires à faire sauter pour faciliter ce type de financement. › » Mickael Correia, « Mais qu’est-ce qu’on va faire du… Crowdfunding ? », in CQFD n°115, octobre 2013. 

26. Sophie Wahnich, La Grande Table, France Culture, 31 décembre 2013. 

27. Gérard Mordillat, « Contre la charité », L’Humanité, 5 octobre 2012. 

28. Sophie Basch, « ‹ Le Grand Entrepôt dramatique › ou les écrivains à la Foire », in catalogue de l’exposition Dreamlands – Des parcs d’attractions aux cités du futur, Centre Georges-Pompidou, 2010.